De mon observatoire : Jean-Baptiste Élias, le Patriote ou le futé?

À la tête du Comité de pilotage de l’audit du fichier électoral au Bénin, depuis quelques semaines, avec autour de lui cinq (5) autres membres, à savoir trois (3) de ses pairs de la société civile ; un (1) représentant de l’opposition et un (1) autre membre représentant les partis politiques de la mouvance (ce dernier se faisant toujours desirer), Jean-Baptiste Élias renonce à la rémunération liée à sa fonction. Et ce, sur toute la durée de l’opération. Urbi et orbi, il a clamé qu’il s’engage à assumer cette mission républicaine gratuitement, c’est-à-dire “bénévolement” pour emprunter son expression.
C’est une option qu’a faite l’ancien président de l’Autorité nationale de lutte contre la corruption (Anlc) et président du Front des organisations nationales contre la corruption (Fonac), pendant que, réglementairement, ses autres collègues au sein du Comité de pilotage de l’audit du fichier électoral doivent émarger chacun, au quotidien, un forfait de 45.000FCfa en plus des frais individuels de communication (appels téléphoniques) chiffrés globalement à 300.000 FCfa. “J’ai écrit au ministre de la Justice et de la Législation pour lui dire que, pour mon pays, je décide de ne prendre aucun franc pour le travail que je vais faire pendant toute la durée”, a déclaré Jean-Baptiste Élias, arguant que cette décision relève d’un sens de patriotisme et de reconnaissance envers son pays.
Bis repetita donc pour le président du Comité de pilotage de l’audit du fichier électoral. En effet, un peu comme pour dire “calmos, ce n’est pas ma première fois ” à ceux qui seraient surpris ou étonnés par une telle décision, Jean-Baptiste Élias rappelle que pour le même exercice pratiquement en 2022, veille des législatives de 2023, sous le même pouvoir de Patrice Talon, il avait fait pareil. Et par souci de transparence dans la gestion des près de 160 millions de FCfa mis à la disposition du Comité par le gouvernement, la figure bien connue de la société civile béninoise est allée dans les moindres détails quant à la répartition du fonds suivant les lignes prévues, y compris le montant réservé aux imprévus.
Jean-Baptiste Élias, le Patriote, qui fait don de sa personne au service de la République. Quelle exemplarité ! Dans un monde de cupidité ou d’ avidité à l’argent, cet exemple de patriotisme ou le modèle Jean-Baptiste Élias doit être amplifié et enseigné. Cependant, derrière ce renoncement, derechef, à ce dont il a normalement droit, n’y-a-t-il pas des non-dits?
Aussi futé que ce Jean-Baptiste Élias
Même si les médias n’en parlent pas assez ou le débat n’est pas focalisé là-dessus dans l’opinion, la décision prise par Jean-Baptiste Élias, deux fois de suite, de ne pas toucher à de tels fonds mérite qu’on s’y attarde. Non pas superficiellement mais avec du recul. En faisant ce choix, le président du Comité de pilotage de l’audit du fichier électoral n’est-il pas plutôt en train de s’éviter de probables pièges et ennuis judiciaires ? Jean-Baptiste Élias, qu’on ne se leurre point, est une grande gueule, un critique et donneur de leçon de bonne gouvernance et de transparence. D’aucuns le désigneraient par monsieur anticorruption. N’est-ce pas qu’il se montre là précautionneux et anticipateur?
Il s’agit quand même de la gestion du fonds public, un terrain très gluant et glissant. Le président du Fonac sait qui il est, et nul doute qu’il sait, par expérience, qu’il doit ménager sa monture, marcher sur des œufs s’il veut voyager loin. Sinon pourquoi n’ecrit-il pas au ministre d’État chargé de l’économie et des finances, censé décaisser l’argent sur instruction du chef de l’État, et s’est plutôt tourné vers le ministre de la justice pour lui notifier le bénévolat ? Aussi futé que ce Jean-Baptiste Élias… Il ne veut pas toucher aux beignets tentants de peur qu’on ne lui détecte possiblement des taches d’huile aux doigts. Ce n’est pas pour rien qu’il a prévu, pour tout sécuriser et s’en laver bien les mains, de recruter, entre autres,, un Agent expert en passation des marchés publics, un Agent comptable spécialisé dans la gestion des fonds publics et un Agent de contrôle financier “expert en la matière”.
Jacques BOCO