Réforme du système partisan : Une sortie conjointe Upr et Prd s’impose

En août 2022, dans la dynamique de la réforme du système partisan, le Prd et l’Union Progressiste (Up) annonçaient leur fusion, donnant naissance à l’Union Progressiste le Renouveau (Upr). Mais depuis quelques semaines, un sujet anime vivement l’espace public au Bénin : le Parti du Renouveau Démocratique (Prd) existe-t-il encore sur l’échiquier politique national ? Ça tiraille…
En février 2025, le président de l’ex-Prd, Adrien Houngbédji, a lancé devant ses militants aller lui présenter à domicile les vœux de nouvel an : « Quand on vous dit que le Prd a disparu, que le Prd a fusionné, dites que le Prd n’a pas disparu. Le Prd, nous le portons dans nos cœurs. Le Prd a fusionné. Je ne suis même pas sûr que le Prd ait vraiment fusionné. Mais dites que le Prd est une sensibilité au sein de l’Union Progressiste le Renouveau ».
Depuis cette intervention du leader des Tchoco tchoco, une vive polémique s’est installée dans l’opinion publique, alimentant les débats sur la réforme du système partisan. En effet, tandis que certains estiment que le Prd n’existe plus, d’autres, au contraire, affirment avec conviction qu’il continue d’exister, s’appuyant sur l’absence d’un acte officiel attestant de sa dissolution ou de sa radiation.
Déjà en 2022, lors du congrès ayant consacré la fusion Up-Prd, Adrien Houngbédji avait précisé qu’il ne s’agissait pas d’une fusion-absorption. Depuis lors, ses déclarations et prises de position s’inscrivent dans cette même logique. Sur Guérite TV Monde, dans une édition spéciale sur le sujet, Semassa Euloge Lézimè, membre du Prd, soutient qu’un parti politique ne peut être membre d’un autre parti. Il s’appuie sur l’article 12 de la Charte des partis politiques, qui stipule que « seules les personnes physiques peuvent être membres d’un parti politique ». Dès lors, selon lui, le Prd ne peut pas adhérer à l’Union Progressiste le Renouveau. Il se référe ensuite à l’article 29 de la même loi, qui impose aux partis politiques de préciser les modalités de leur fusion ou dissolution.
Citant les statuts du Prd, notamment l’article 90, Sèmassa Euloge Lézimè déclare : « le Prd peut participer à des regroupements ou à des fusions avec d’autres partis politiques. Ces regroupements et fusions doivent faire l’objet d’un protocole d’accord écrit, qui délimite les attributions concédées. Les décisions de regroupement et de fusion ne sont effectives qu’après validation par le Conseil national. Elles doivent être largement diffusées, tant en interne qu’en externe, par tous les moyens de communication ». Il insiste en invoquant l’article 91, qui stipule que « ces décisions ne peuvent entraîner la dissolution du Prd, lequel conserve son patrimoine, son autonomie organisationnelle et fonctionnelle, sauf les compétences expressément concédées. Il peut constituer un courant à l’intérieur de la nouvelle formation ».
Pour Sèmassa Euloge Lézimè, le protocole ayant conduit à la création de l’Upr ne peut occulter ces dispositions. Il affirme dès lors, que selon les textes en vigueur et les statuts du Prd, cette fusion ne peut aboutir à la dissolution du parti arc-en-ciel.
Membre du parti Bloc Républicain (parti soutenant le pouvoir à l’instar de l’Upr), Dr Bertin Koovi, s’appuyant sur les conclusions de son mémoire juridique produit à cet effet, soutient que l’Upr s’est présentée aux élections législatives de 2023 comme étant née de la fusion entre l’Up et le Prd. Or, aucun procès-verbal de fusion ni de dissolution n’a été rendu public, comme l’exige la loi n° 2018-23 du 17 septembre 2018 portant Charte des partis politiques. « Faute de ces actes, l’Upr n’a jamais acquis de personnalité juridique, et ses listes de candidats étaient donc irrégulières », a-t-il affirmé. Or, selon le Code électoral, « seules les candidatures des partis légalement constitués peuvent concourir ».
Pour Marcel Zoumenou, journaliste et promoteur du journal Le Patriote, également invité de l’émission de Guérite TV Monde, si l’Upr ne dispose pas d’un récépissé officiel consécutif à la fusion, et si dans le même temps le Prd détient toujours le récépissé qui lui a été délivré en 2019, alors le Prd peut se permettre de revendiquer son existence. « Si aucun nouveau récépissé ne vient confirmer la fusion opérée en 2022, et si celui obtenu en 2019 est encore valide, il faut en conclure qu’il est toujours en vigueur », explique-t-il. De ce fait, l’analyste politique estime que le Prd peut légitimement revendiquer son existence en tant qu’entité politique autonome. Il appelle donc les dirigeants de l’Union Progressiste le renouveau à brandir officiellement leur récépissé afin de clore définitivement le débat.
*À l’Upr, on est formel sur la non existence du Prd*
Sur Guérite TV Monde, Augustin Sodjinou, membre de l’Upr est convaincu que la fusion a bel et bien emporté l’Up et le Prd. Ce qui a permis d’avoir la nouvelle entité Upr. « Si vous êtes légaliste, vous ne pouvez pas continuer à dire que les partis Prd et Up existent toujours, non ! », a-t-il martelé, tout en ajoutant que la liste des partis politiques existant au Bénin, publiée en novembre 2022 par le ministère de l’Intérieur, ne mentionne ni le Prd ni l’Up. Et puisque la loi ne prévoit pas l’obligation d’un acte de dissolution avant une fusion, les deux formations n’ont enfreint aucun texte de la République, selon Augustin Sodjinou. Il appelle donc à mettre fin aux débats qu’il qualifie d’inutiles et à se référer à la liste officielle publiée par le ministère.
Sur la télévision Bénin TV du service public, le député Gérard Gbénonchi de la Haute direction politique de l’Upr reste également catégorique. “L’ex-Prd n’existe plus “, affirme-t-il. Il a indiqué que le processus de fusion des deux anciennes formations politiques “a été conduit dans les règles de l’art” et a consacré “de facto”, leur dissolution. “L’acte de fusion déposé au ministère de l’intérieur à été enregistré. Le ministère de l’Intérieur nous l’a notifié après nous avoir aussi notifié la dissolution des deux anciens partis politiques. Le récépissé définitif, nous l’avons également eu…”, précise le parlementaire.
Dans ce jeu flou assimilable à un ping pong, n’est-il pas souhaitable que les responsables de l’Upr rendent public le récépissé officiel du parti né de la fusion à la veille des législatives de 2023 ? N’est-il pas aussi plus indiqué, si ce n’est pas encore le cas, que l’administration publique notifie officiellement la radiation du Prd à ses membres et sympathisants qui revendiquent toujours son existence en raison du défaut d’un acte officiel ? Et pour finir, n’est-il pas plus judicieux que les responsables de l’Upr et du Prd fassent une sortie médiatique conjointe pour situer définitivement l’opinion publique ?
Anselme ORICHA