Du “passé honteux” à une nouvelle vision du système politique : Yahouédéou annonce-t-il un grand bouleversement ?

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Lors de son passage dans l’émission Focus sur l’ORTB, le dimanche 9 février 2025, Janvier YAHOUÉDÉOU, Coordonnateur des ministres conseillers du Bénin, a partagé sa vision d’un système politique capable de garantir la stabilité et d’accélérer le développement du pays. Il est parti d’un état des lieux de la gouvernance qui a caractérisé chacun des régimes qui se sont succédé depuis la conférence nationale de 1990, s’appuyant sur des exemples de mafia au sommet de l’État qui, pour lui, illustrent bien le “passé honteux” dont a parlé le président Patrice Talon dans son discours sur l’état de la nation au Parlement, fin 2024. Malheureusement, les habitudes de désinformation et d’intoxication en ont donné une toute autre interprétation.

D’entrée, le Coordonnateur des ministres conseillers au Bénin déterre des exemples de mal gouvernance qui ont plombé le développement du Bénin : “Le passé honteux, j’y mets beaucoup de choses. Dans ce pays, la Douane a arrêté un ministre à l’aéroport avec une somme de 900 millions FCfa. Le peuple s’écrie et le chef de l’État vient gaillardement à la télévision dire pourquoi on en parle, et si quelqu’un a perdu son argent… Parmi ceux qui s’agitent aujourd’hui et qui s’acharnent contre Talon, il y en a qui sont propriétaires des villas CenSad sans en avoir acheté. Les terres qui valent des centaines de millions ont été offertes aux copains. Un autre est débiteur de 14 milliards à la SONAPRA, etc…Ce n’est pas honteux ?”. La liste n’est pas exhaustive.

Dans une comparaison des régimes successifs, Janvier Yahouédéou a exprimé sa fierté du travail titanesque de redressement du pays qu’avait entamé le premier président de l’ère du Renouveau démocratique, Nicéphore Soglo, “un homme providentiel”. A contrario, c’est un regret pour lui de ne pas voir ce bâtisseur poursuivre, du fait du système qui l’a “chassé” pour “ramener la mafia au pouvoir”. C’est justement pour que le Bénin et l’Afrique en général rompent avec ces pratiques du “ôtes-toi pour que je m’y installe”, que Janvier YAHOUÉDÉOU, s’inspirant des modèles asiatiques qui ont émergé depuis les années 80, propose de repenser le cadre politique afin d’assurer une continuité des progrès.

Pour lui, il est essentiel que les réformes engagées aujourd’hui au Bénin puissent porter leurs fruits sur le long terme, même après le départ du président Patrice Talon. Le Coordonnateur des ministres a été on ne peut plus clair : “J’aurais souhaité vivement que si le président Talon partait, que le système qu’il a mis en place perdure”. Et Janvier YAHOUÉDÉOU d’insister : “Ce n’est pas la personne du président Talon qui me préoccupe mais l’organisation mise en place”.

Nécessité de prendre du recul pour analyser le fond…

Janvier YAHOUÉDÉOU a parlé. Il a eu l’audace d’imaginer un système politique africain repensé. Une réflexion qui mérite une attention. Ne serait-il pas opportun de prendre du recul pour analyser le fond de sa pensée ?

Au delà de l’exemple béninois illustré par la chute du Président Soglo et le retour à la décadence, Si l’on observe une grande démocratie comme les États-Unis, on constate que les mêmes électeurs qui avaient sanctionné la dynamique amorcée par le 45è président, Donald Trump, ont fini par le ramener au pouvoir en tant que 47è président. Ce phénomène interroge : l’Afrique ne devrait-elle pas, elle aussi, repenser ses systèmes politiques pour élaborer des mécanismes institutionnels mieux adaptés, capables de garantir une réelle stabilité et la continuité des progrès engagés ?

Plusieurs pays européens ne suivent d’ailleurs pas le modèle démocratique français. C’est le cas de l’Allemagne, du Royaume-Uni, des Pays-Bas, de la Suisse, de la Suède, du Danemark, de la Norvège… Ces pays montrent qu’il existe plusieurs modèles politiques qui favorisent le développement sans forcément adopter le modèle français. Beaucoup privilégient un régime parlementaire ou une monarchie constitutionnelle, avec une forte stabilité institutionnelle et une décentralisation efficace. L’exemple suisse, avec sa démocratie directe, est également unique et performant.

Cela suggère que l’Afrique pourrait explorer des systèmes hybrides, adaptés à ses réalités culturelles et politiques. L’exemple de l’Afrique du Sud avec l’ANC (African National Congress ou Congrès National Africain) est particulièrement intéressant. Ce parti, solidement enraciné, a su imposer une certaine continuité politique malgré les défis du pays. Ne serait-ce pas une piste de réflexion pour d’autres nations africaines en quête de structures institutionnelles plus solides ?

Qu’une telle proposition émane de Janvier YAHOUÉDÉOU, que ce soit à titre personnel ou dans son rôle stratégique de coordonnateur des ministres conseillers, proche du chef de l’État, lui confère une importance indéniable. Elle mérite d’être examinée avec sérieux et sans préjugés. Cela pourrait bien être l’annonce de profonds bouleversements politiques au Bénin et, pourquoi pas, ailleurs en Afrique.

Chamss-Deen BADAROU