Dans un contexte où beaucoup de Béninois, toutes catégories confondues, se résignent à s’exprimer pour apporter un autre son de cloche à celui du pouvoir de Patrice Talon , il y en a tout de même qui restent droits dans leurs bottes. Doit-on les appeler des “intellectuels sans peur” ? De toutes les façons, que ça soit sur des sujets brûlants de l’actualité ou d’intérêt majeur, relatifs à la gouvernance en place depuis 2016, ces figures sélectionnées ici sont restées constantes et la page 2024 ne saurait être tournée sans les mentionner. Sur diverses tribunes, elles se font entendre à travers leurs éclairages, leurs critiques ou leurs contributions au débat démocratique dans le but de faire progresser le pays dans le vivre-ensemble et la paix. En dehors de Kassa Mampo, secrétaire général de la Cstb et de Maitre Aboubacar Baparapé, président d’une organisation de défense des droits de l’Homme (Odhp), qui sont connus comme membres du parti communiste, les autres ne peuvent se revendiquer d’aucune formation politique, ni de la Mouvance , ni de l’opposition. Intéressons nous à présent à chacun d’eux.
Arnaud Éric Aguénounon
Philosophe politique, écrivain essayiste, analyste politique, l’Abbé Arnaud Eric Agénounon est aussi formateur. Tout au long de l’année, il était sous les feux de la rampe à travers les rendez-vous scientifiques de discussions qu’organise l’institut des artisans de justice et de paix du chant d’oiseau (Iajp-co) dont il est le directeur. Singulièrement, ce prêtre catholique de l’archidiocèse de Cotonou, habité par une ardente passion pour la démocratie et la défense des droits de l’Homme, se prononce sur la gouvernance au sommet de l’État. Dans cette veine, le Père Aguénounon a mis sur le marché, le 21 septembre 2024, son livre « Le Pouvoir du déni », Chronique d’une démocrature assumée. L’ouvrage qui vient s’ajouter à “Lumière sur les racines organiques des peurs au Bénin”, “La soif du pouvoir”, entre autres, met <<en avant les pierres et les hommes n’existent que pour chanter la beauté des pierres ». Un livre qui a suscité un intérêt particulier dans l’opinion du fait de l’audace dans l’écriture.
Expédit Ologou
Docteur, politologue, l’ancien journaliste, présentateur, éditorialiste et analyste politique à la radiodiffusion et télévision du service public (Srtb, ex-Ortb), Expédit Ologou sera promu directeur général des médias au ministère de l’économie numérique et de la communication, à l’avènement du pouvoir de Patrice Talon. Après sa démission et desormais à un poste de chargé de programmes gouvernance politique dans un organisme étranger à Cotonou, on pourrait penser que Expédit Ologou rejoint le couvent. Tel n’est pas le cas, président du Civic Academy for Africa’s Future (Ciaaf), un Think Tank qui se veut être un espace intellectuel et qui contribue au renouvellement de la pensée sur l’Afrique, Expédit Ologou s’intéresse bien aux préoccupations liées à son pays, le Bénin. En 2024, il n’est pas resté indifférent au <<Malentendu bénino-nigérien>>. Dans une tribune abondamment relayée dans les médias, il a proposé des <<sources et ressources pour sortir de la crise>>. Aussi, le cadre juridique actuel des élections au Bénin ainsi que l’après dernier mandat présidentiel du président Talon en 2026 ont-ils fait l’objet de réflexions chez Dr Expédit Ologou. Au lancement du livre “Le pouvoir du déni” du Père Aguénounon, Expédit Ologou en était le présentateur.
Me Aboubacar Baparapé
Président de l’Organisation pour la défense des droits de l’Homme (Odhp,), Me Aboubacar Baparapé est sur plusieurs fronts de lutte. Il a participé à plusieurs manifestations publiques dont des marches pacifiques pour le mieux-être des Béninois. Dans les tribunaux, du sud au nord et de l’est à l’ouest, il défend la veuve et l’orphelin. Ces derniers mois, les dossiers Steeve Amoussou et Ayodélé Biaou (Général Faleti) ont fait de lui l’un des avocats béninois les plus médiatisés.
Ousmane Batoko
Eu égard aux hautes fonctions qu’il a occupées dans la République, Ousmane Batoko ne se prononce pas à tout va sur la situation sociopolitique de son pays, le Bénin. Mais ses sorties médiatiques d’octobre sur la situation socio politique du Bénin ont eu un écho percutant dans l’opinion au point de provoquer la réaction de certains jeunes supposés défendre le pouvoir, qui ont tenté de lui répondre sans grand effet. En effet, de retour d’un voyage à l’étranger , et dans la foulée de la tentative présumée d’atteinte à la sûreté de l’État, l’ancien président de la Cour suprême a décidé de rompre le silence sur le sujet et la gouvernance en général. Le septuagénaire n’a pas hésité à affirmer que “ça ne va pas” tout en interpellant les différentes institutions du pays.
Théodore Holo
Affaire atteinte présumée à la sûreté de l’État, code électoral voté pour les élections de 2026, délocalisation annoncée du marché Dantokpa, les acquis de la conférence nationale, la crise entre le Bénin et le Niger…sont entre autres sujets sur lesquels le professeur Théodore Holo, ancien président de la Cour constitutionnelle a apporté des éclairages scientifiques et partagé ses expériences via des médias et tribunes d’organisations qui l’ont régulièrement sollicité. La voix du constitutionnaliste et ancien ministre fait partie des voix qui portent.
Kassa Mampo
Le bouillant syndicaliste de la Cstb a fait l’actualité tout au long de 2024. Les interdictions de marches et interpellations de certains membres de la troupe n’émoussent guère son ardeur à dénoncer la gouvernance en place et à réclamer de meilleures conditions de vie et de travail pour les masses laborieuses. Sur le plan politique, la Cstb s’est jointe à d’autres organisations dont le cadre de concertation des partis politiques de l’opposition pour définir les Tdr de l’audit du fichier électoral devant servir pour les élections de 2026. Sur les médias conventionnels et autres plateformes digitales, Kassa Mampo fait entendre la voix de sa centrale syndicale, la Cstb.
Paul-Marie Houessou
Docteur en littérature et culture d’Afrique anglophone, théoricien de la Gouvernance d’Etat, Paul-Marie Houessou est depuis peu présent sur les ondes en tant qu’Analyste politique. Sur les plateaux de télé et les studios de radio, sa ligne est connue : il est critique et débat avec n’importe quel invité en face. 2024, il s’est familiarisé avec le studio de la web radio Crystal News à Porto-Novo.
Virgile Ahouansè
Sa garde-à-vue dans les locaux de la Police judiciaire suivi de sa condamnation, en 2023 à 12 mois de prison avec sursis dans un long procès, par la Cour spéciale pour avoir produit et diffusé une enquête sur de presumées exécutions sommaires par la Police républicaine à Porto-Novo, n’ont pas entamé l’exercice de sa profession. Le temps d’observer la sentence prononcée contre lui,, le Journaliste et Directeur de l’information de la web radio a repris du service même si on peut constater une baisse ou un manque de production d’enquête sur le média. Cependant sur Crystal News et plusieurs autres médias où il est invité, Virgile Ahouansè, très disponible défend le respect des valeurs démocratiques, les libertés fondamentales, la justice sociale, les acquis de la conférence nationale de février 1990. C’est une voix très critique qui a été constamment présente tout au long de l’année.
Arimi Choubadé
Dans les médias classiques, les panels de discussions et plus sur les plateformes digitales, ses sujets de prédilection, c’est la politique, la gestion du pays en général. Arimi [Choubadé], journaliste retraité comme il se fait appeler, ne doit pas être inconnus des défenseurs des actions du pouvoir en place avec son prénom inscrit devant son numéro de téléphone dans les groupes WhatsApp. Il est presque un empêcheur de tourner en rond dans les débats et relève les dysfonctionnements ou incohérences dans la gouvernance ou les politiques publiques déployées. Dans le journal en ligne Olofofo, beaucoup de lecteurs internautes prennent du plaisir à consommer ses éditos qui ne sont pas non plus destinés à passer la brosse à reluire au pouvoir. En tout cas, avec les nombreuses affaires politico juridiciaires qui ont défrayé la chronique en 2024 principalement au Bénin, l’ancien Directeur de Publication du journal le Nokoué et ancien conseiller technique à la communication de l’ancien président de l’Assemblée nationale, Adrien Houngbédji, n’a pas manqué d’apporter sa voix et sa plume critiques.
Landry Angelo ADELAKOUN
Consultant en droits humains, Juriste-Expert en décryptage des textes électoraux, 𝐋𝐚𝐧𝐝𝐫𝐲 𝐀𝐧𝐠𝐞𝐥𝐨 𝐀𝐝𝐞𝐥𝐚𝐤𝐨𝐮𝐧 s’est fait parler de lui, dans son domaine, à travers ce qu’il sait faire. À la Cour constitutionnelle, sur bien de dossiers notamment le traitement inhumain et dégradant infligé à un concitoyen par la police à Natitingou et le décret portant nomination de ministres conseillers à la Présidence de la République, il fait partie des jeunes juristes qui ont déposé de recours. Dans les médias où il a été également invité surtout sur des émissions télé , Landry Angelo Adélakoun a traduit la veille citoyenne qui doit caractériser chaque citoyen, en particulier la jeunesse face à la gestion du pays. Sur les questions de démocratie, de droit, des libertés, le jeune juriste s’est souvent exprimé sans fioritures. Il y a quelques mois, en fin démission, l’ancien président de Cour suprême du Bénin, Ousmane Batoko qui partageait le même plateau de télévision que lui, lui a exprimé publiquement sa fierté.
Chamss-Deen BADAROU