De mon observatoire : Nos 26 trésors royaux,… Et plus rien…

0
194

Au Bénin, déjà deux éditions annuelles à succès des “voduns days” dans la ville de Ouidah, au sud. Imaginons alors l’éclat et l’amplitude qu’aurait eus ce festival cultuel et culturel à caractère touristique, qui draine des centaines de milliers de personnes, aussi bien localement que venues d’ailleurs, si à côté des investissements énormes dans la construction et l’aménagement d’infrastructures, par ricochet la modernisation de la cité historique, il y avait l’exposition des trésors royaux rapatriés de la France par le gouvernement. Hélas ! Gageons donc qu’avant janvier 2026, année et mois d’élections, où aura probablement lieu la troisième édition, ces œuvres d’art pillées, emportées et récupérées des siècles plus tard, réapparaissent. Pour l’heure, elles sont introuvables. Et plus rien comme information officielle sur elles ; ce, depuis la clôture du ballet du public, sur plusieurs mois, en 2022, en vue de la contemplation jouissive à la présidence de la République à Cotonou.

Après un long processus de négociation, la France finit par acter la rétrocession au Bénin de 26 de ses trésors royaux derobés et emportés au XIXème siècle. Novembre 2021, le gouvernement béninois ramène au bercail les œuvres d’art dans une euphorie populaire. C’était inédit ! Quelques semaines plus tard, le temps d’un aménagement au palais de la Marina pour des conditions de conservation se rapprochant du Quai Branly, l’exposition intitulé  “Art du Bénin d’hier et d’aujourd’hui : de la restitution à la révélation” démarre. Le 20 février 2022, les portes de la présidence de la République s’ouvrent grandement aux Béninois. Une belle opportunité pour les curieux qui se sont déplacés nombreux d’admirer ces biens culturels, fruits de l’ingéniosité artistique ancestrale, au côté de créations actuelles. Jusqu’au 22 mai 2022, qui marquait la clôture, l’exposition a réuni près de 200.000 visiteurs constitués de groupes scolaires, de particuliers, de politiques, bref diverses couches de la population ; soit précisément 187.285 personnes, selon les chiffres officiellement communiqués.

C’est indéniablement une réussite. Au regard de cet engouement et de la forte demande qui continuaient d’être notées, le gouvernement décide de l’ouverture d’une seconde saison au public béninois en général et à la diaspora en particulier, surtout pour d’agréables vacances estivales. Ainsi, du 16 juillet au 28 août 2022, soit pendant 45 jours, à travers des visites guidées des œuvres patrimoniales et contemporaines, dans un environnement de 2000 m2 digne d’un espace muséal, les visiteurs ont vécu une expérience exceptionnelle. La réouverture de cette exposition publique diptyque a porté sur l’intégralité des œuvres découvertes à la saison 1 dont les 26 trésors royaux du Bénin, restitués par la France et 106 œuvres d’art contemporain de 34 artistes béninois nationaux et de la diaspora.

Du point fait, en 20 journées d’ouverture, cette seconde phase avait alors drainé 35.000 passionnés de culture et d’art autour des trésors royaux. Sur les 35.000 visiteurs venus de 74 pays, en dehors du Bénin, la France vient en tête avec 8.630 visiteurs. Un motif de satisfaction pour le gouvernement de Patrice Talon notamment son ministre du Tourisme, de la culture et des arts, Jean-Michel Abimbola, qui en refermant cette exposition diptyque, a tiré trois enseignements : “Le premier est que le peuple béninois reste admiratif des arts, de ses artistes, le deuxième est que nos artistes restent les ambassadeurs les plus emblématiques de notre culture, le secteur est une aubaine pour les investisseurs, un champ prometteur pour les industries culturelles et créatives”. Le ministre Abimbola d’exprimer ensuite “la fierté nationale” qui se remarquait du point de vue révolution culturelle et économie culturelle.

… Et après ?

Trois ans après ces moments inoubliables passés par certains Béninois et des étrangers au Palais de la Marina, musée de circonstance, où sont passés les trésors royaux normalement retournés dans le giron de l’État béninois ? À cette preoccupation relative à l’après exposition, plusieurs informations avaient été servies : “Pour ce qui adviendra de toutes ces œuvres qui nous ont tant donné à rêver, il faut retenir que si les trésors royaux iront bientôt à Ouidah en attendant de regagner Abomey, leur destination finale, leurs parentés contemporaines, elles, seront exposées au Maroc, puis iront à Paris où elles bénéficieront de la même attention, a laissé entendre le ministre Jean-Michel Abimbola”, lit-on sur les plateformes digitales de communication du gouvernement béninois. 

“Après leur déchargement, elles seront accueillies à la présidence en présence des têtes couronnées, des membres du gouvernement et d’autres officiels. Les oeuvres prendront après le chemin de la maison du gouverneur de Ouidah, au côté du Musée international de la mémoire et de l’esclavage, en construction”, placarde srtb.bj dans un long article du 10 novembre 2021 sous le titre “Dix choses à savoir sur les 26 trésors royaux d’Abomey restitués par la France au Bénin”. Quant au média ouest-france.fr, il met : “À terme, les œuvres seront exposées là où elles ont été dérobées en 1892, à Abomey, la capitale historique de l’ancien royaume du Dahomey. Un musée est en cours de construction, mais l’achèvement des travaux n’est prévu que pour fin 2024. D’ici là, le programme concernant les œuvres est flou. La seule chose de sûr, c’est qu’en janvier prochain, elles seront rangées dans leur caisse pour être conservées en attendant leur prochaine destination”. Et le site d’information français de citer, par la suite, un conservateur général nommé
Alain Godonou : “Au départ, il était prévu que les œuvres soient exposées au fort portugais de Ouidah, avant d’aller à Abomey. Mais, aujourd’hui, on a des doutes, on se demande si c’est encore nécessaire et les travaux ne sont pas terminés”. L’article remonte à fin décembre 2022.

De cet imbrolio, n’est-on en droit d’interpeller qui de droit sur ce que sont devenues les 26 œuvres d’art transférés à l’État béninois par la puissance colonisatrice? Le gouvernement Talon notamment le ministère du Tourisme pourra saisir la balle au bond et, pourquoi pas, faire d’une pierre deux coups pour situer l’opinion sur la localisation des objets et profiter pour faire le point de la réhabilitation et de la construction de musées dans le cadre du vaste programme touristique qui s’exécute sous la Rupture depuis 2016. L’opinion publique nationale et internationale est tout ouïe. Mais en attendant, il est important de souligner que face à la question à une rencontre avec les professionnels des médias, mi avril 2023, le secrétaire général adjoint du gouvernement, porte-parole du gouvernement Wilfried Léandre Houngbédji avait déclaré, sans être précis, que ces trésors royaux sont bien gardés quelque part.

À toutes fins utiles

Les 26 trésors royaux. sont en fait, 26 œuvres diverses et variées. Entre autres trois statues royales anthropozoomorphes (bocchio), six autels portatifs (asen), les trônes des souverains Ghézo et Glélé, un siège royal, un tabouret royal de Béhanzin (kataklè), une calebasse sculptée à couvercle, trois récades, un fuseau et un métier à tisser, quatre portes de palais du roi Glélé, une tunique et un pantalon de soldat, et un sac en cuir.

Jacques BOCO