Angela Kpeidja : “La femme doit s’illustrer autrement”

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Angela Kpeidja : “La femme doit s’illustrer autrement”

 

*Dans un direct qu’elle a fait sur sa page Facebook le 8 mars 2022 dans le cadre de la Journée internationale de la femme, l’activiste des droits de la femme, Angela Kpeidja, a insisté sur les changements à opérer pour redorer l’image de la femme. Lisez plutôt…*

 

“C’est le 08 mars, la journée internationale des droits de la femme mais je ne fais pas de distinction entre les femmes et les hommes. J’ai besoin de tout le monde. Car le combat n’est pas contre les hommes, mais contre des inégalités qui compromettent notre vivre ensemble. Et d’ailleurs dans ce combat, personnellement, j’ai remarqué que mes meilleurs partenaires sont les hommes. Donc j’espère que mes frères, mes papas et nos maris sont là…

Pour revenir au 08 mars, cette édition 2022 se célèbre au Bénin dans un contexte particulier. Les sextapes se multiplient sur la toile, les affaires de ‘’ BIZZI ’’ sont à la mode, les viols sont filmés et partagés à travers la messagerie instantanée WhatsApp, les femmes et les filles sont violentées, filmées et les vidéos sont diffusées sur la toile. Je n’oublie pas l’application TIK TOK prise d’assaut par nos enfants pour des vidéos de sexe, des exhibitions et autres folies.

Vraiment, je ne comprends pas comment nous en sommes arrivés là. C’est la période de toutes les dérives avec l’avènement des réseaux sociaux…”

 

*Violences faites aux femmes*

 

“Je vais commencer par l’affaire la plus récente qui m’a laissé bouche cousue !

La semaine dernière, c’est une femme qui a été violentée par son mari. Il a ensuite attaché ses deux mains et ses deux pieds pour la punir. Dans la vidéo, elle était couchée sur le ventre sans pouvoir se mouvoir avec son enfant d’à peine 3 ans visiblement perdu. Est-ce vraiment normal que le mari devienne le bourreau de sa femme ? Rien ne peut justifier une telle violence de la part d’un homme fut-il son époux. Et puis, est-ce que ce père a pensé à son enfant ? Si les hommes pouvaient penser qu’ils ont une mère, ils s’abstiendront de faire des choses comme ça. Mais rassurez-vous, il subira la rigueur de la loi.

Maintenant, face aux violences sexistes que ce soit en milieu professionnel, universitaire, scolaire et autres, j’encourage les femmes à libérer la parole pour leur bien et pour le bien de la société entière. Mon ONG vous accompagne au plan psychologique et juridique. Ne vous inquiétez même pas.”

 

*Sextapes*

 

“Des célébrités du monde l’ont fait pour construire leur réputation ou leur carrière…KIM KADARSHIAN. Mais entre nous, il y a quoi de valorisant à ressembler à KIM KADARSHIAN ? Et puis la réussite est personnelle …ce n’est pas parce que ça lui a réussi que ça va réussir pour toi qui cherche à l’imiter. Ce que vous devez savoir c’est que le mimétisme tue et ce genre de choses a toujours des conséquences soit immédiates, soit sur le long terme. Imaginez que vous briguez demain un poste de responsabilité et que l’on vous sorte ce genre de vidéo ?

Kardashian a beau être célèbre, elle ne pourra jamais briguer une haute fonction en dehors de ce qu’elle sait faire dans la mode. Mes enfants m’ont dit qu’elle étudie actuellement le droit…que Dieu nous prête vie mais en attendant, toi la fille d’un paysan, c’est comme ça que tu veux t’illustrer. En faisant des vidéos de sexe ?

Finalement, ce n’est valorisant ni pour la fille, ni pour le garçon de mettre sa nudité dehors parce que tout le monde a droit a une vie privée et surtout les Hommes sont des animaux réfléchis et c’est bien pour cette raison que dans son évolution, l’Homme a eu recours aux vêtements pour protéger son corps. En plus la vie n’est pas que virtuelle, elle est d’abord physique. On ne peut pas délibérément exposer son corps.

Il y a ceux qui filment les ébats sexuels avec leur conjoint ou partenaire et mettent ça sur les réseaux sociaux pour se venger de je ne sais quoi. Il faut savoir que tout ceci est puni par le code du numérique et le code pénal. Dans le code pénal, c’est l’article 544 qui punit l’outrage publique à la pudeur et l’article 550 du code du numérique punit le harcèlement par le biais d’une communication électronique. Les peines encourues au Bénin vont de la prison aux amendes.”

 

*Les affaires de ‘’BIZZI”*

 

“La liberté sexuelle n’est pas encore compromise au Bénin, chacun est libre de faire de son corps ce qu’il veut. Aucune loi n’interdit la prostitution mais attention ! La prostitution telle qu’elle est organisée dans ces groupes WhatsApp s’appelle du proxénétisme en ligne et elle est punie aussi par la loi au Bénin. C’est pour cela que cette fille qui a déclaré sans vergogne sur les écrans d’une chaine de télévision avoir déjà géré des groupes du genre devrait être poursuivie et punie avec la dernière rigueur. On ne peut enfreindre aux lois et venir encore narguer tout le monde à la télévision. Nous aurions eu des associations de défense des droits de la femme beaucoup plus fortes qu’en dehors de la HAAC, cette fille aurait été aussi poursuivie. C’est franchement inacceptable d’organiser la culture de la prostitution sur les écrans de télévision et pire sur les réseaux sociaux !

Les jeunes filles et les garçons sont à fond dans cette nouvelle activité qui en réalité nous fait perdre tout le sacré féminin. Plus loin, j’ai même l’impression que tout le monde a oublié le VIH SIDA et les autres infections sexuellement transmissibles. Que vaut la vie quand on n’est pas en bonne santé ? Pourquoi vendre son corps pour des broutilles alors que l’on peut soi-même s’offrir tout ceci. Je ne suis pas d’accord avec mes jeunes sœurs, et mes enfants…”

 

*Nécessité d’être autrement femme*

 

“Tout ceci me met dans une tourmente pas possible parce que si je me réjouis des efforts consentis ces dernières années par les autorités béninoises pour protéger les femmes, j’ai bien l’impression que tous ces comportements compromettent notre image en tant que femme. Que ce soit les sextapes, les affaires de BIZZI, les vidéos de sexe qui tombent dans le domaine public aujourd’hui, toutes ces situations entretiennent et nourrissent cette idée selon laquelle nous femmes ne sommes que des corps, nous ne servons qu’à faire des enfants. Franchement, ces genres de choses dégradent notre image à toutes et compliquent la lutte pour l’élimination des inégalités entre homme et femme.

En dehors du fait que je pense fondamentalement que nous devons revoir l’éducation de nos enfants sur les plans du vivre ensemble, de l’entreprenariat et de la sexualité, il faut que nous femmes et les filles d’aujourd’hui, nous exprimions autrement notre féminité. Être autrement femme, c’est ce que je pense mais avant de vous développer cette vision, je voudrais revenir sur l’éducation et suggérer encore une fois aux parents de ne plus faire du sexe un sujet tabou. A l’ère du numérique, il faut vider ces questions taboues et trouver les mots justes et adaptés à chaque âge pour prendre les devants avant que le moteur google ne soit questionné par l’enfant. Il n’y a pas de mal à parler de protection donc de préservatif à son enfant.”

 

*Hypersexualisation de la femme*

 

“Voyez-vous, de tous temps nous avons été hyper sexualisées par la société. Ça ne date pas d’aujourd’hui. Par exemple pour vendre, pour attirer l’attention, il est convenu d’utiliser le corps de la femme. Dans les manifestations politiques, il n’y a pas si longtemps, les femmes étaient juste sollicitées pour les représentations folkloriques… On nous a toujours brandi comme une attraction, un objet décoratif de sorte que dans le subconscient de la société, la femme ne sert qu’à enjoliver …L’atout principal qu’on lui impose, c’est la beauté. Elle doit plaire à son mari, elle doit avoir la plus belle forme et tout tourne autour du physique de la femme. Finalement, être femme c’est être un corps qui doit plaire à la société en restant à la place qui lui est dédiée.”

 

*Compétition*

 

“Sans pour autant en prendre conscience, nous sommes rentrées dans ce casier que la société a fabriqué pour nous et nous voilà en compétition. C’est la course à la plus belle manicure, la plus belle coiffure, le plus beau sac, le mari le plus riche. Nous sommes tellement en compétition que nous avons du mal avec l’autorité féminine, l’entreprenariat chez les femmes. Au lieu d’être unies, nous nous tirons dessus et nous voilà en rangs dispersés pour réclamer ce qui nous est dû.

Mais il faut que nous comprenions que nous n’y arriverons pas en nous crêpant le chignon entre nous, nous ne pouvons pas y arriver en passant le temps à nous exhiber sur TIK TOK, sur les réseaux sociaux. Donc l’idée pour moi, c’est que nous prenons conscience de cette hyper sexualisation aggravée par l’avènement du numérique, des réseaux sociaux et autres applications. Si nous n’y prenons garde, ce vent va remettre en question nos acquis en termes de droit et nous emporter. Il faut absolument changer de vision, montrer que nous avons un corps mais aussi une tête, une tête bien faite d’ailleurs.”

 

*Privilège d’être une femme et estime de soi*

 

“C’est pour ça qu’il faut déjà se convaincre que naitre femme est un privilège. Nous venons tous homme comme femme d’une même source (Dieu, Allah, Jéhovah, peu importe… le souffle de vie nous vient du Très Haut. Mais cette puissance pour partager ce souffle de vie nous a choisi en tant que femme ! C’est un avantage énorme que de porter et de donner la vie. A partir de ce moment, il faut croire que nous ne sommes pas seulement un corps.

Commence à confesser à toi-même que tu es tout naturellement une force. Et c’est là que j’en viens à l’estime de soi. Ma sœur, ma fille, tu dois t’aimer assez pour ne pas prostituer ton corps, tu es une force, une puissance, une vie qui peut faire des choses extraordinaires par ses propres mains. On appelle ça de l’amour propre, c’est indispensable pour changer le rapport que nous avons avec notre corps. Il faut apprécier autrement notre corps, l’afficher autrement et y donner accès autrement. En changeant notre propre façon de nous voir, nous pourrons espérer impacter la façon dont les autres nous voient. Il faut apprendre à vous choyer, à choyer votre moi…

Par rapport à la compétition constante entre les femmes, il faut aussi changer en prenant exemple sur les hommes qui même s’ils font la guerre demeurent solidaires entre eux. Chaque femme doit regarder une autre femme qui réussit dans son domaine avec fierté et en faire une source d’inspiration car si l’une réussit cela fait du bien à la communauté féminine. Nous ne sommes pas en compétition. En réalité, chacune de nous est unique. Chacune de nous doit donc être respectée et encouragée pour son authenticité. Nous devons apprendre à regarder les autres femmes avec amour et empathie. Il est important de briser cette compétition entre femmes.”

 

*Valorisation de l’intellect à la place du physique sur les réseaux sociaux*

 

“L’avènement des réseaux sociaux tels que Tik Tok ou encore Instagram nous amène à mettre l’accent sur notre physique ainsi que nos biens matériels. Ce type de réseau social accentue les points précités (compétition entre femme/ baisse de l’estime de soi). Il n’y a pas de problème à se distraire sur les réseaux sociaux en postant ses Week-ends ou encore nos soirées entre amis mais il est important pour les femmes dans un monde où nous nous battons pour l’égalité des sexes/ le respect des femmes que nous utilisions ce canal pour montrer nos compétences intellectuelles, notre apport au développement économique de notre pays. En montrant par exemple notre commerce, nous pourrons encourager d’autres jeunes femmes à se lancer/ nous pourrons faire connaître notre travail et donc assurer la croissance de nos parts de marché. Il est important de nos jours d’avoir des modèles de femmes qui sont des modèles de réussite pour des raisons autres que leur corps/ leur beauté. Les femmes devraient se mettre en avant sur les réseaux sociaux au-delà de son apparence physique, elles pourraient aussi montrer leur capacité à débattre, à analyser, à réfléchir. En utilisant les réseaux sociaux pour mettre davantage l’attention sur nos corps, nous n’arriverons pas à nous illustrer autrement, ni pour nous-mêmes ni pour la société.

 

Pour finir, je pense à ces femmes rurales qui loin de ces réseaux sociaux, tiennent de fort belle manière leur commerce, les activités génératrices de revenue pour s’occuper de leur famille. Travails champêtres, menuiserie, poterie… Rien n’est au-dessus de leur force. Prenons exemple sur elles.”