Tamègnon, Mètongnon et Hountondji : Une baisse évidente de régime

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Joseph Tamègnon, Laurent Mètognon et Jean Alexandre Hountondji ne sont plus à présenter au Bénin. Contre le pouvoir de Patrice Talon installé en 2016, ils étaient tous vent debout quoique le dernier ait ouvertement contribué à son avènement à travers la Coalition de la Rupture, scellée dans l’entre deux tours de l’élection présidentielle. Lautre point de convergence, ces trois personnalités étaient dans les liens de la detention, sous le même pouvoir du président Talon, mais dans différents dossiers. Le temps passé au gnouf n’est pas non plus le même.

Laurent Mètongnon

En effet, interpellé et placé en détention provisoire avec des coaccusés, le 17 novembre 2017, dans l’affaire de “placement hasardeux” de plusieurs milliards de FCfa de la Caisse nationale de sécurité sociale (Cnss) à la Banque internationale du Bénin (Bibe) qui serait en faillite et dont il percevrait des rétro-commissions, le célèbre syndicaliste et ancien président du conseil d’administration de la Cnss, Laurent Mètongnon va être condamné, le 31 juillet 2018, à 5 ans de prison ferme plus 1 million de FCfa d’amende et 70 millions de dommages et intérêts à payer. En dépit du rejet des accusations et la thèse de procès politique voire de règlement de compte politique évoquée par les mis en cause, Laurent Mètongnon va purger la peine de 60 mois et une semaine à la prison de Missérété. Le lendemain de sa libération intervenue le mercredi 23 novembre 2022, l’administrateur du trésor à la retraite et militant du Parti communiste du Bénin (Pcb) sera célébré comme un “héros national” par des organisations de la société civile, des acteurs politiques, des syndicats et autres admirateurs, à la Bourse du travail à Cotonou. “Laurent Mètongnon est un héros national, je dirai même international. C’est un panafricaniste qui se bat pour les intérêts de son pays et qui accepte le sacrifice ; donc il mérite d’être célébré”, avait déclaré à l’occasion, Kassa Mampo, le virulent secrétaire général de la Cstb, la centrale syndicale la plus représentative au Bénin. Saluant à son tour Laurent Mètongnon, figure emblématique de la Fesyntra-finances pour la lutte syndicale, sa loyauté et son attachement pour la cause des travailleurs, Me Aboubacar Baparapé, Avocat au barreau du Bénin, communiste et président de l’ Odhp–Bénin, une organisation de défense des droits humains, a confié : “Il va se réinsérer dans le combat et reprendre sa place dans ces diverses organisations, et ensuite ensemble avec lui, nous allons nous battre pour qu’il obtienne l’amnistie et le dédommagement”. Dans sa localité d’origine, dans le département du Mono, Laurent Mètongnon a communié aussi avec les siens qui lui avaient réservé un accueil chaleureux et rendu un vibrant hommage.

Deux ans déjà que le fervent défenseur des libertés, Laurent Mètongnon est totalement libre de ses mouvements. Mais chose évidente, il y a baisse de régime à son niveau. S’il faut lui concéder le temps de récupération, depuis 24 mois, on peut compter le nombre de sorties médiatiques de Laurent Mètongnon sur tel ou tel sujet brûlant concernant notamment la gouvernance au sommet de l’État, le nombre de manifestations syndicales post-prison que totalise également le tonitruant syndicaliste d’alors à son compteur. En tout cas, il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent. Au risque de se tromper, l’ancien secrétaire général de la Fesyntra-finances, la Fédération des syndicats des travailleurs du ministère des finances, dans le feu de l’actualité du coup d’État ayant renversé au Niger, Mohamed Bazoum, a effectué une sortie médiatique, fin 2023, sur l’émission Grand Angle de la radio en ligne Crystal News. Occasion pour lui d’expliquer son nouveau combat qui a nécessité la création du Front patriotique dont il est le coordonnateur ; un creuset qu’il a lancé suite à un appel aux forces vives de la nation béninoise en vue de s’opposer au colonialisme et à une intervention militaire au Niger pour le rétablissement de l’ancien président.

Il faut souligner que Laurent Mètongnon c’est près d’une cinquantaine d’années de lutte pour la défense de l’intérêt général, des droits des travailleurs et les acquis démocratiques au Bénin. Selon les informations, il a commencé au lycée technique en 1974 et continua à l’université. Étudiant, il sera arrêté en 1979 à l’étoile rouge à Cotonou. Fonctionnaire d’Etat, il a été egalement arrêté en 1985 et envoyé à la prison de Ségbanan, un lieu de détention réputé dans les violations des droits de l’homme au nord du pays, sous la Révolution marxiste-Léniniste. Il sera libéré après la conférence des forces vives de la nation de 1990 avec ses pairs.

Jean Alexandre Hountondji et Joseph Tamègnon

Ancien député au Parlement béninois et ancien ministre, Jean Alexandre Hountondji est membre du parti Les Démocrates (opposition) à l’instar de Joseph Tamègnon, ancien directeur général de la société de gestion des marchés autonomes (Sogema) et ancien Conseiller technique à l’économie du président Yayi Boni. Ces deux figures politiques ont servi sous le même chef de l’État à la différence que Alexandre Hountondji, candidat malheureux au premier tour de la présidentielle de 2016, va s’aligner dernière Patrice Talon pour le second tour, au nom d’une alliance politique de 25 candidats, dénommée Coalition de la Rupture. Resté loin du pouvoir de Patrice Talon et critique pendant que d’autres acteurs de ladite coalition sont toujours avec lui,, Alexandre Hountondji ainsi que Joseph Tamègnon et bien d’autres militants de l’opposition seront Interpellés et placés sous mandat de dépôt pour des actes de terrorisme visant à déstabiliser les institutions de la Nation, selon la justice béninoise. On était courant deuxième semaine d’avril 2021 dans le cadre des manifestations suivies de violences enregistrées dans certaines localités du Bénin, contre la prolongation de 45 jours du mandat présidentiel de Patrice Talon. Mercredi 27 octobre 2021, soit environ 6 mois plus tard, leur mandat de dépôt a été levé suite à une décision du procureur spécial près la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet). Jean Alexandre Hountondji, Joseph Tamègnon et consorts sont certes libérés mais mis sous contrôle judiciaire.

Depuis lors, de leur côté également, on peut faire le constat d’une baisse de sorties politiques dans les médias ; ce qui reste le baromètre idéal pour voir si leur verve et leur virulence sont toujours intactes. Qu’est-ce qui pourrait donc justifier cet éloignement de la scène publique de ces différents acteurs ? La mise sous convocation judiciaire continue-t-elle chez les uns? Ou est-ce chez chacun d’eux la hantise des souvenirs amers qu’ils ont des geôles? Difficile d’être péremptoire. Tamègnon, Mètongnon, Hountondji, peut-être l’échauffement dans les vestiaires avant les matchs électoraux de 2026, qui sait !

Chamss-Deen BADAROU