Sous la Rupture : Destins croisés, mauvaise fortune

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Sous le pouvoir de l’ex-chef de l’État Yayi Boni, ils n’étaient pas inconnus de la population béninoise. Ils étaient sous les feux de la rampe, constituant des “boucliers” de l’ex-président de la République. Ils défendaient vigoureusement, au travers de sorties médiatiques, les actions du gouvernement du Changement et de la Refondation et, de facto, répliquaient à toutes critiques ou attaques contre la gouvernance.

D’une part, Loth Houénou, président du Parti valeur républicaine (Pvr) , et d’autre part Frédéric Béhanzin et Fred Houénou du creuset Les jeunes patriotes, connus à un moment donné sous l’appellation Les fous du roi. À l’époque, ils étaient dans les bonnes grâces du pouvoir. D’un régime à un autre, celui du président Patrice Talon, osons le dire, ne leur a pas autant souri. Au contraire… Et le moins qu’on puisse dire, qu’ils aient fait l’option d’adouber le chantre de la Rupture ou de critiquer ses actions, selon le cas, ils ne sauraient oublier, tous les trois d’ailleurs, ces sombres moments passés, chacun de son côté, en prison dans divers dossiers.

Fred Houénou

Son bref séjour dans la majorité présidentielle lui a sans doute valu sa nomination en conseil des ministres, le 8 janvier 2020, comme conseiller technique aux actions stratégiques du ministre de la Communication. Mais contre toute attente, après juste quelques mois, Fred Houénou présente sa démission du poste, le jeudi 10 septembre 2020. Après cette démission, l’ancien conseiller à l’emploi des jeunes du président Yayi Boni optera pour l’opposition et soutiendra la candidature de l’opposante Reckya Madougou dans le cadre de la présidentielle 2021. Une candidature qui ne franchira d’ailleurs pas l’étape de la recevabilité, n’ayant obtenu les parrainages requis. Dans ce combat politique contre la prorogation du mandat présidentiel et cette élection présidentielle qualifiée d’exclusive, Fred Houénou sera interpellé et déposé en prison. Libéré après plus d’un an et placé sous contrôle judiciaire, le président du “Rassemblement pour une alternative progressiste” fait sa déclaration d’adhésion au Bloc Républicain le dimanche 11 septembre 2022. Ce retour au sein de la Mouvance ne lui a encore valu plus que ce poste de conseiller technique qu’il a abandonné, selon les informations, à cause de l’ambiance délétère entre le ministre d’alors et lui.

Loth Houénou

Quel scénario politique n’a-t-il pas encore produit sous la Rupture pour s’attirer les projecteurs des plus hautes autorités au pouvoir depuis 2016 ? Presque toutes les formations politiques de la majorité présidentielle connaissent Loth Houénou pour avoir reçu au moins une fois sa déclaration d’adhésion. Mais avant, le président du défunt parti des valeurs républicaines, était très critique envers le président Patrice Talon et sa gouvernance. Dans la foulée, Loth Houénou séjourne deux fois en prison. En effet, arrêté à la frontière bénino-togolaise, il sera condamné, courant mi-octobre 2018, et passera deux ans derrière les barreaux, reconnu coupable d’injures à caractère racial sur la personne de l’homme d’affaires vivant en exil,, Sébastien Ajavon. La justice béninoise notamment le tribunal de première instance de Cotonou reprochait également à Loth Houénou la publication sur internet de fausses nouvelles. Et en plus de cette peine de prison, il était contraint de payer une amende de 30 millions de FCfa à M. Ajavon. À peine sorti de prison, Loth Houénou récidive et sera à nouveau interpellé. En novembre 2020, il a été condamné à 2 ans d’emprisonnement ferme en plus d’une amende de 200.000 FCfa pour harcèlement par le biais des moyens de communication électronique et pour avoir tenu des propos injurieux à l’encontre du chef de l’État, selon la justice béninoise. Depuis le milieu carcéral où Loth Houénou jure avoir rencontré Dieu, il se convertit à l’islam le 18 février 2022 et dit se prénommer désormais Abdoul Razak. “J’ai fermé le parti d’opposition Pvr et j’ai créé Lbr (La bonne relève) pour montrer au peuple béninois et surtout au président de la république Patrice Talon que plus jamais il n’entendra plus parler de l’opposition de ma bouche. Maintenant je change de religion pour devenir tout neuf aux yeux du monde”, écrit-il pour justifier ses actes posés. Après avoir multiplié ses messages d’imploration de la clémence du chef de l’Etat, il va recouvrer sa liberté le 1er juillet 2022. Dans une déclaration, le jeudi 09 mai 2024 à Djeffa, dans la commune de Sémé-Podji, Abdoul Razak Loth Houénou retourne au parti Bloc Républicain duquel il avait démissionné pour d’autres mariages politiques visiblement infructueux. Avec ses nombreux messages vocaux risibles sur les réseaux sociaux pour quasiment quémander une nomination ou de quoi survivre, il n’a pas encore réussi à toucher le cœur de Patrice Talon.

Frédéric Béhanzin

Interpellé avec d’autres personnes et mis sous mandat de dépôt en février 2021 dans une affaire de corruption et d’abus de fonction au Port autonome de Cotonou, Frédéric Béhanzin va être condamné, en juin 2021, à cinq ans d’emprisonnement dont un ferme et deux cent mille FCfa d’amende pour complicité de trafic d’influence, et ce par la Cour spéciale de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet). Après avoir purgé sa peine, le porte-parole des Jeunes patriotes du Bénin et membre du parti Bloc républicain sera libre de ses mouvements. “Je suis citoyen, patriote engagé. Je comprends le jugement qui a été rendu et je respecte la décision de la justice de mon pays. Je suis conscient que la vie est une leçon un enseignement. Je rends grâce pour tout ce qui est arrivé”, avait confié Frédéric Béhanzin comme premiers mots à sa sortie de prison. Depuis lors, le président du Front citoyen pour un Bénin révélé devient de plus en plus rare dans les médias.

En résumé, n’est-ce pas la preuve que chaque époque avec ses réalités, ses hauts et ses bas? En tout cas, outre la prison qu’ils ont connu sous la Rupture, on peut faire le constat que les destins de Fred Houénou, Loth Houénou et Frédéric Behanzin se croisent au Bloc Républicain, un des partis soutiens du pouvoir de Patrice Talon dont Ils en sont membres.

Chamss-Deen BADAROU