Perspectives des élections 2026 : Les frustrations s’accumulent
(D’un début de décrispation à la crispation à nouveau ?)
Au Bénin, après la présidentielle de 2021, qui a été le pic des frustrations cumulées des législatives de 2019 et des élections communales de 2020, les appels à la décrispation du climat politique se sont multipliées. Surtout dans le rang du parti de l’opposition Les Démocrates qui a payé le lourd tribut. Et comme écho favorable à ces appels, certains détenus ont été libérés de façon éparse de différentes maisons d’arrêt. Le chef de l’État Patrice Talon a pu rencontrer aussi, et ce plus d’une fois, ses prédécesseurs Yayi Boni et Nicephore Soglo opposés depuis 2016 sur le plan de la gouvernance. Même si la libération totale des détenus politiques n’est pas encore effective ainsi que la doléance relative au retour des exilés politiques, beaucoup de Béninois étaient dans l’expectative. Un espoir renforcé par la participation, in fine, du parti Les Démocrates aux législatives du 8 janvier 2023, contrairement au scrutin exclusif de 2019. Mais, tout porte à croire au lendemain des législatives dernières où l’opposition s’en est sortie avec 28 députés sur 109, que l’atmosphère se vicie. Visiblement, c’est 2026 qui se joue déjà. Les Démocrates avisés, tirent la sonnette d’alarme en prenant à témoin l’opinion nationale et internationale.
Premier tacle reçu de la part du pouvoir qui contrôle à 100% les institutions, c’est la revendication liée au nombre de sièges qui leur a été accordés à l’issue des législatives de janvier dernier. Contestant ce chiffre, le recours des Démocrates ne va pas prospérer puisque la caducité des documents électoraux leur a été opposée par la Cour constitutionnelle via la Commission électorale nationale autonome (Cena). Deuxième fait qu’ils n’ont pas manqué de soulever, c’est la composition du bureau du Parlement. Bien que la loi ait fait obligation à ce que ledit bureau qui est composé de 07 membres, respecte la configuration politique de l’institution, les Démocrates n’auront qu’un seul poste pendant que le parti Bloc Républicain (Mouvance) qui a le même nombres d’élus qu’eux en a obtenu deux et l’Union Progressiste le Renouveau, 04 postes avec ses 53 députés.
Cette dictature de la majorité parlementaire va se contacter également dans les désignations pour les Commissions au niveau de l’Assemblée nationale, dans les institutions de la République et les Parlements sous régionaux. Dans la balance, et pour justifier le jeu politique qui se mène au sein de l’Hemicycle depuis l’installation de cette 9ème législature, c’est le débat Majorité/minorité où, au lieu que les deux partis politiques soutenant le pouvoir se constituent en bloc majoritaire, l’un préfère discuter le concept de minorité avec le parti de l’opposition dans le dessein se tailler la part du lion dans les répartitions. ”Toute cette cavalerie politique conduit à un cadre institutionnel qui, si rien n’est fait, mènera inexorablement notre pays, le Bénin à des élections générales de 2026 non transparentes et sans crédibilité”, alertent les Démocrates dans une déclaration, jeudi 15 juin 2023. Et d’ajouter : ”Les caractéristiques de ce cadre institutionnel sont les suivantes :
la Cour constitutionnelle : contrôlée à 100% par le président Patrice Talon et ses deux partis siamois ;
la CENA : contrôlée à 100% par le président Patrice Talon et ses deux partis siamois ;
l’ANIP : organe chargé de la confection de la liste électorale est également contrôlée à 100% par le Président Patrice Talon. Je vous rappelle qu’à la tête de cette agence est nommé un Rwandais à des fins que nous continuons d’ignorer.
A y voir de plus près, ce cadre institutionnel viole totalement le protocole additionnel de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance”. Avant cette sortie des députés et personnalités du parti Les Démocrates, c’est le président d’honneur Yayi Boni qui a donné de la voix en lançant un appel à son successeur Patrice Talon. ”Je demande à Dieu de toucher le cœur du Président pour qu’un dialogue politique soit organisé. Pour la première fois depuis 1960, les élections générales (présidentielles, législatives, communales) seront organisées en 2026. Par conséquent, nous devons prendre de nouvelles dispositions de manière à aller à l’équilibre à diriger ce pays en 2026…”, a-t-il laissé entendre, a déclaré l’ancien président de la République à la faveur d’une prière à Parakou, dans la région Nord du pays. Entre dénonciations, boycotts, cris de détresse et recours formulés, le parti Les Démocrates et son leader charismatique vont-ils être écoutés ? Auront-ils gain de cause, étant minoritaire quand on sait qu’en dehors de ces nouvelles préoccupations qu’ils soulèvent, d’autres comme la libération des détenus dont Reckya Madougou, Joël Aivo et consorts, le retour des exilés, n’ont toujours pas encore eu de solution. Jusqu’à quand va donc durer ce bras de fer Mouvance présidentielle et opposition pour une réelle décrispation ? Pour l’heure, difficile de le dire. À cela, s’ajoutent sur le plan social, les difficultés de gestion du quotidien que ruminent nombre de Béninois même du camp présidentiel ; des difficultés auxquelles vient se greffer le problème du carburant notamment de l’essence qui est aussi d’actualité.
Patrice Talon et sa majorité ont peut être leur agenda. Cependant, n’y-a-til pas lieu d’agir à temps avant que les choses s’exacerbent?