Opinion: “Oui” à l’avortement, mais…

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Opinion: “Oui” à l’avortement, mais…

Je continue toujours de penser que ce débat sur la légalisation ou non de l’avortement doit être fait avec moins de passion. Et ce n’est pas qu’un débat des politiques ! C’est un débat de société. Notre société est-elle prête à légaliser l’avortement ? Oui ou non? Posons clairement le sujet en débat. Invitons toutes les couches de la société. Et que chacun sorte ses arguments. Mais tout est allé très vite au Parlement…

J’apprécie tout de même l’audace de ces députés qui ont choisi d’encadrer l’avortement au Bénin même s’ils auraient dû ne pas s’enfermer dans leur bulle pour légiférer sur une telle matière. La révision de la loi N°2003-04 du 3 mars 2003 relative à la santé sexuelle et à la reproduction aurait pu être faite à l’issue d’une large consultation. Dans certains pays, il a fallu recourir au référendum pour dégager une position commune. Ce fut le cas fin septembre dernier à Saint-Marin où 77% de la population a dit “oui” à l’avortement. Le pays a ainsi rejeté une loi vieille de 150 ans qui faisait de l’avortement un crime passible de prison pour la mère et le médecin qui le pratique.

Au Bénin, personne n’a pensé à cette éventualité. Déjà, la position du président de l’Assemblée nationale Louis Vlavonou et de son collègue Aké Natondé sur le sujet, est inquiétante. Une position basée sur des idées saugrenues et une opposition entre l’Occident et l’Afrique qu’ils construisent dans leur tête. Au fond, ils ont juste une position de principe parce que avorter c’est tuer selon eux. Ils pensent qu’on est encore en 1960! Ils oublient que le Bénin a besoin de s’adapter à son temps.

La communication orchestrée autour de ce discours, était piteuse et inaudible. Autant renoncer en même temps aux moyens contraceptifs s’il faut soutenir la perpétuation incontrôlée de l’espèce humaine comme ils le relèvent. Ce qu’ils n’ont pas dit, c’est que toutes les politiques publiques tendent aujourd’hui à promouvoir la limitation du nombre de naissances sous nos cieux. D’où le planning familial. Pourquoi Vlavonou et Aké Natondé ne soutiennent-ils pas alors la suppression de ces politiques? Pourquoi les deux n’avaient-ils jamais relevé un complot de l’Occident contre les pays pauvres ?

La même position incohérente a été adoptée par les Évêques réunis au sein de la Conférence Épiscopale du Bénin. Ils invitent les députés à dire « non à la culture de la mort ». Les Évêques mettent en avant la conscience, la foi et bien d’autres vertus. C’est à croire que ceux qui ont autorisé l’avortement dans d’autres pays, n’ont aucune foi. C’est une position dogmatique prise par des autorités religieuses qui refusent de coller à la réalité. Elles refusent surtout de faire preuve de discernement pour faire le meilleur choix. Tout est calqué sur le modèle du Vatican. Et aucune réflexion n’est possible. Ce sont pourtant de hauts cadres… qui doivent faire preuve de jugeote.

Chrétien catholique, je peine toujours à comprendre pourquoi on refuse d’avancer avec le monde. Le célibat des prêtres, l’utilisation du préservatif, l’avortement… Ce sont des questions urgentes pour l’Eglise qui doit mieux cerner les enjeux de notre société. Alors, doit-on toujours continuer dans cette hypocrisie collective qui consiste à ne rien comprendre de notre monde et à faire du formalisme pour plaire à certains courants?

Tout le monde sait que des avortements sont réalisés chez nous chaque jour dans la clandestinité, avec les nombreux décès que cela engendre. Pourquoi ne pas donner les moyens légaux aux médecins qui doivent poser cet acte? Pourquoi ne pas donner le choix à la femme tout en encadrant la procédure ? En France, l’avortement est légal depuis la loi Veil de 1975. Le délai légal est de 12 semaines de grossesse, soit 14 semaines après la fin des dernières règles. Les autorités sanitaires françaises considèrent même que l’Interruption volontaire de grossesse (IVG) est une intervention urgente. Mais au Bénin, on tient encore aux préceptes rétrogrades…

Pendant ce temps, nos jeunes soeurs meurent chaque jour parce qu’il se trouve quelqu’un qui s’improvise médecin et qui leur charcute l’utérus. D’autres préfèrent s’enfermer pour ingurgiter des produits qui finissent par les emporter. Dans une société où le sexe est encore tabou, c’est normal que les jeunes filles soient autant exposées aux interventions des apprentis sorciers. Et cette situation n’émeut personne.

Il y en a qui sont dans les “bondieuseries” et qui veulent passer pour des agneaux alors qu’ils sont des champions en la matière. Ils font avorter régulièrement leurs maîtresses, leurs copines… Je reconnais la délicatesse du sujet. Je sais que ceux qui approuvent l’avortement, seront envoyés à la guillotine et considérés comme des disciples du diable. Mais il n’y a pas meilleure solution aujourd’hui. Une femme doit garder une grossesse si elle est apte à l’assumer. Ça n’est pas non plus un jeu où on peut sauter une grossesse au gré des humeurs. C’est pourquoi, un encadrement juridique était nécessaire pour éviter la banalisation de l’avortement.

De toutes les façons, l’IVG est un acte médical comme tout autre. Il faudra juste remplir certaines conditions définies par la loi pour y accéder. Maintenant, que celui qui n’a jamais été complice d’un avortement ou celle qui n’a jamais avorté, me jette la première pierre…

Epiphane Bognanho
#DroitAuBut