Côte d’Ivoire / Charles Blé Goudé : l’incompris

Ancien ministre de la Jeunesse sous Laurent Gbagbo et figure de proue de la galaxie patriotique ivoirienne, Charles Blé Goudé incarne aujourd’hui une trajectoire politique singulière, marquée par l’exil, l’incarcération, l’acquittement, et désormais, une volonté affichée de réconciliation et de paix. Mais cette posture nouvelle, bien que saluée par certains, continue de susciter des interrogations, voire des malentendus. Car s’il y a un mot qui colle aujourd’hui à la peau de Blé Goudé, c’est bien celui d’« incompris ».
De la rue à la Haye : le destin d’un leader
Leader charismatique de la jeunesse pro-Gbagbo durant les années 2000, Charles Blé Goudé a su se forger une stature nationale grâce à son sens de la mobilisation et ses discours enflammés. À la faveur de la crise post-électorale de 2010-2011, il devient l’un des visages du régime déchu. Accusé de crimes contre l’humanité, il est arrêté en 2013 et transféré à la Cour pénale internationale (CPI), rejoignant son mentor Laurent Gbagbo.
Pendant près de huit ans, Blé Goudé vit derrière les murs de la Haye. Son procès, suivi de près en Côte d’Ivoire comme à l’international, se conclut en mars 2021 par un acquittement définitif, marquant une étape majeure dans sa carrière et sa vie.
Une nouvelle vision : la paix comme boussole
Depuis son retour en Côte d’Ivoire, Charles Blé Goudé étonne. L’homme au verbe haut, jadis perçu comme va-t-en-guerre, affiche désormais un discours apaisé, prônant la paix, la tolérance et la réconciliation. Il multiplie les messages d’unité nationale, insistant sur le dépassement des clivages partisans pour bâtir un avenir commun.
Ce changement de ton, bien qu’apprécié dans certains cercles politiques et auprès de la société civile, alimente aussi des soupçons : certains observateurs l’accusent de vouloir se rapprocher du pouvoir d’Alassane Ouattara, d’autres y voient un calcul politique en vue des échéances futures.
Entre fidélité et ouverture
Pourtant, Blé Goudé reste fidèle à ses convictions. Il ne renie pas son passé auprès de Laurent Gbagbo, mais il refuse de s’enfermer dans une logique de vengeance ou de revanche. Ce positionnement ambigu lui vaut de n’être pleinement compris ni par ses anciens camarades, ni par ses nouveaux interlocuteurs.
Il n’est ni totalement accepté par les partisans du régime, ni totalement suivi par ceux de l’opposition. Mais loin de se décourager, Blé Goudé avance, convaincu que son heure viendra. Il poursuit la structuration de son mouvement politique, le COJEP (Congrès panafricain pour la justice et l’égalité des peuples), en espérant incarner une troisième voie pour une Côte d’Ivoire apaisée.
Une voix à suivre
Charles Blé Goudé n’est peut-être pas encore l’homme de consensus, mais il s’impose comme une voix singulière, résolument tournée vers l’avenir. Dans un contexte politique où les tensions couvent, son appel au dialogue et à la fraternité pourrait bien, à terme, être entendu.
En attendant, il trace sa route, fidèle à lui-même, incompris pour beaucoup, déterminé pour l’histoire.
Chamss-Deen BADAROU