Bientôt la fin des 10 ans : Talon mérite-t-il finalement le surnom “Agbonnon” ?

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Dans moins d’un an, le chef de l’État Patrice Talon passera le témoin à l’issue de ses deux mandats constitutionnels. Lors de son investiture pour son second et dernier mandat, le 23 mai 2021, Patrice Talon a non seulement émis le vœu d’être porté en triomphe, mais a aussi souhaité porter le surnom “Agbonnon”. En plaçant son mandat sous le sceau du “hautement social”, le chantre de la Rupture affichait son ambition : assurer aux Béninoises et Béninois “le bien-être de chacun, en particulier celui des plus vulnérables”.

Il s’agissait alors de hisser le Bénin au rang des pays développés, dans une gouvernance guidée par les principes de liberté, de démocratie et de bonne gouvernance. À quelques mois de la fin de son mandat, la question se pose : Patrice Talon mérite-t-il véritablement d’être porté en triomphe ? Est-il digne de porter le surnom “Agbonnon” ?

Les avis sont partagés. Sur la chaîne de télévision numérique Guérite TV Monde, plusieurs acteurs se sont exprimés à ce sujet. Chacun, selon sa lecture de l’action gouvernementale, a tenté de répondre à cette interrogation.

De façon unanime, analystes politiques, acteurs de l’opposition comme de la mouvance, reconnaissent des avancées notables, notamment à travers des réformes jugées salutaires. Mais certains s’accordent également à dire que des limites subsistent. Pour eux, le chef de l’État pourrait concrétiser son rêve si, dans les mois restants, il changeait de paradigme.

Pour Sylvain Azankpo, doctorant en science politique et analyste politique, le pouvoir de la Rupture a marqué sa gouvernance par deux grandes réformes politiques : la révision de la Constitution de 1990 en 2019, et la réforme du système partisan. Sur le plan social, tout comme Bertin Koovi, acteur politique et membre du Bloc Républicain, il salue l’initiative du microcrédit Alafia, qui permet aux femmes d’accéder à des crédits pour mener des activités génératrices de revenus, ainsi que les efforts en faveur du maintien des filles à l’école : gratuité de la scolarité, octroi de kits scolaires et transferts monétaires.

Mais dans ce même secteur, il déplore l’absence de mesures fortes obligeant les entreprises privées à respecter le SMIG, fixé à 52 500 FCFA, un montant qu’il juge encore très bas. Il note également des failles dans la gestion du secteur économique, qui, selon lui, n’a pas permis l’essor des opérateurs économiques. À tout le moins, il estime que la gouvernance Talon reflète bien le surnom “Agbonnon”, qui signifie force et autorité. « Son Agbonnon se limite à la protection des intérêts économiques, politiques et sociaux de ceux qui l’entourent », conclut-il.

Pendant ce temps, le député Armand Gansè, élu sous la bannière du Bloc Républicain, pense, lui, que le surnom “Agbonnon” est réducteur. Selon lui, Patrice Talon mérite bien plus, au regard des nombreuses actions menées à la tête du pays. À l’en croire, le président a su discipliner les acteurs politiques à travers la réforme du système partisan, mais aussi les syndicats, avec la réforme encadrant le droit de grève. « Pour moi, Agbonnon, c’est peu dire. Talon est un esprit, un trésor caché que le Bénin nous a révélé », a-t-il clamé.

Même lecture du côté de Bertin Koovi, qui estime également que Agbonnon ne colle pas à Talon. Pour lui, le président est plutôt un “bâtisseur”.

En revanche, pour le député du parti d’opposition Les Démocrates, Antonin Midofin Hounga, un chef d’État doit être un serviteur du peuple, et non son oppresseur ou son dominateur. À l’en croire, le Bénin n’a nul besoin d’un président tout-puissant. Il déplore donc la gouvernance autoritaire de Patrice Talon, marquée, selon lui, par l’emprisonnement de jeunes Béninois et la restriction des libertés syndicales. À ce titre, il juge que le surnom “Agbonnon” lui sied parfaitement, mais regrette que cela ternisse l’image du Bénin à l’international.

Anselme ORICHA