Révision en procédure d’urgence de la constitution du 11 décembre 1990: Franck Oké adresse un recours à Djogbénou

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Révision en procédure d’urgence de la constitution du 11 décembre 1990

Franck Oké adresse un recours à Djogbénou

Porto-Novo le 08 décembre 2020
Adégbola Franck OKE
Juriste résident à Porto-Novo
(République du Bénin)
Tél : 66 93 70 25
À
Monsieur le président de la Cour Constitutionnelle du Bénin

Objet : Recours en inconstitutionnalité contre la révision en procédure d’urgence de la Constitution du 11 décembre 1990

Monsieur le Président,
“Le 1er novembre 2019, l’Assemblée Nationale a procédé à la révision de la loi n°90-032 du 11 décembre 1990 portant constitution en République du Bénin. Contrairement à une opinion qui s’est développée à un moment dans notre pays, la constitution permet sa propre révision et définit les modalités de ladite révision.

Ainsi, l’initiative de la révision, aux termes de l’article 154 de la constitution, appartient concurremment au président de la République, après décision prise en conseil des ministres, et aux membres de l’Assemblée Nationale. Et pour être pris en considération, le projet ou la proposition de révision, doit être voté à la majorité des trois quarts des membres composant l’Assemblée Nationale.

Par ailleurs, la révision n’est acquise qu’après avoir été approuvée par référendum, sauf si le projet ou la proposition en cause a été approuvé à la majorité des quatre cinquièmes des membres composant l’Assemblée Nationale. (Article 155)

Si ces différentes exigences relatives aux majorités qualifiées de trois quarts et de quatre cinquièmes (des membres composant l’Assemblée Nationale) nécessaires respectivement pour la prise en considération et pour l’adoption par voie parlementaire de la proposition de révision ont été respectées il n’en a pas été de même pour la procédure parlementaire de mise en œuvre de cette révision telle que prévue par le règlement intérieur de l’Assemblée Nationale.

En effet, en raison de sa valeur normative supérieure à celle de toutes les autres lois (référendaire, organique et ordinaire) et des différentes vertus qu’on lui accorde, la constitution ne saurait être élaborée ou révisée dans les mêmes formes que n’importe quel autre texte de loi.

Ceci permet de mieux cerner la démarche du législateur béninois qui a voulu soustraire la procédure de révision constitutionnelle des autres procédures législatives en distinguant dans le titre III de son règlement intérieur, trois différentes catégories de procédures législatives à savoir :

La procédure législative ordinaire (chapitre 1er)
La procédure relative aux lois de finance (chapitre II)
Les procédures spéciales (chapitre III)
Ainsi, en logeant la procédure de révision constitutionnelle parmi les procédures législatives spéciales, le législateur a montré clairement sa volonté de ne pas soumettre la révision constitutionnelle aux mêmes règles procédurales que la loi ordinaire. Or la procédure d’urgence initiée par le législateur constitutionnel du 1er novembre 2019 procède d’une disposition du chapitre premier du titre III, relatif à la procédure législative ordinaire.

En effet, c’est sur le fondement de l’article 78 du règlement intérieur qui dispose que la discussion immédiate d’un projet de loi, d’une proposition de loi, ou d’une proposition de résolution peut être demandée par le gouvernement ou par dix députés au moins, que la procédure de révision constitutionnelle avait été déclenchée.

Cette démarche constitue un détournement de procédure parce que violant le règlement intérieur de l’Assemblée Nationale qui est une composante du bloc de constitutionnalité depuis la décision DCC 98-039 du 04 avril 1998, confirmée par la décision DCC 08-072 du 25 juillet 2008, toutes rendues par votre auguste institution.

C’est pour cette raison que je vous invite très humblement, sur le principe de la violation du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale, de déclarer inconstitutionnelle la révision de la loi n°90-032 du 11 décembre 1990 ; survenue le 1er novembre 2019.

En espérant que vous ferez triompher le droit à travers une décision objective et historique qui sera mise à l’actif de la haute juridiction constitutionnelle, je vous prie de recevoir Monsieur le Président, l’expression de ma haute considération”.

A. Franck OKE